Danse carnavalesque

Une installation photographique proposée par la Société Photographique des Universités de Lille à la municipalité de Lannoy et réalisée par Bernard Dupont (conception, réalisation) avec les concours précieux de Jean-Pierre Verrue (réalisation) et de Cristina Santucci (chorégraphie).

Sommaire

À propos de la Danse carnavalesque

Ce projet SPUL, qui a été soutenu par la mairie de la ville de Lannoy – connue pour être la plus petite commune urbaine de France –  et dont le financement a été entièrement pris en charge par la SPUL, avait pour principal objectif d’exposer six photographies de très grand format sur la façade de la Maison des Associations Athena Forum de cette ville. L’ensemble devait évoquer la dynamique créée par des corps dansants. A titre secondaire, on aurait aimé profiter de cette opportunité pour réaliser un « beau livre » de photographie, mais les circonstances en ont décidé autrement … L’installation a été inaugurée en juillet 2019. Prévue pour durer 1 an et demi, elle est toujours en place et bien visible.

Athena Forum : un lieu d’exposition outdoor

Athena Forum est un lieu associatif pluridisciplinaire et intergénérationnel qui est basé dans une ancienne usine textile reconvertie en complexe culturel et de loisirs. La structure architecturale originelle a été respectée. Actuellement, une partie de la façade extérieure de briques présente à l’étage sept alcôves résultant de l’occultation des anciennes fenêtres. Il  était tentant d’emplir ces creux bien délimités par des panneaux décoratifs, visibles par les passants et les visiteurs. Au départ, deux formules étaient possibles : imprimer les œuvres sur des bâches tendues ou sur du plexiglas en faisant appel aux dernières technologies de reproduction. Pour des raisons de coût, on a retenu la seconde installation. Les illustrations ci-dessus donnent une idée de la configuration des six grandes alcôves du bâtiment. Ces alcôves ont pour côtes : H=2,28m sur les côtés ; H=2,40 m sous la clé de voûte de l’arcade ; l=1,13m ; profondeur=22 cm. On note qu’elles ont à peu près  le format 1:2. Conséquence : les images sont nécessairement au format portrait avec un effet d’allongement important (dans une certaine mesure, elles rappellent le format des panneaux latéraux des triptyques du Moyen-Age – par exemple, la Vierge peinte de ¾ profil au musée Uberlinden de Colmar).

Thématique de la danse carnavalesque

Sur le plan artistique, la thématique retenue est la danse carnavalesque, par référence d’une part aux activités de danse proposées par les associations lannoyennes et d’autre part à une tradition régionale presque immémoriale – qu’on songe par exemple au populaire carnaval de Dunkerque ! On peut faire remonter cette coutume au moyen-âge (fête des fous), voire bien avant (Bacchanales, Saturnales des Romains). Plastiquement, le résultat devait évoquer la singularité des corps dansants sans entrave sous l’emprise d’états psychiques et mentaux en rupture totale avec les comportements rationnels du quotidien et à la recherche de sensations ordinairement refoulées. A cet égard, rappelons que le carnaval a longtemps joué (et joue encore ?) le rôle de soupape sociale en libérant temporairement les individus et les groupes des pesanteurs exercées par les pouvoirs oppresseurs et aliénants.  Par dérision, on y pratiquait à l’excès l’inversion systématique des valeurs communément admises. Ce faisant, le carnaval libérait (et libère encore ?) des forces/énergies collectives pulsionnelles normalement refoulées. Une bonne idée de la problématique est donnée par le travail époustouflant de la graveuse Agnès Dubart, tout particulièrement ses « Corps carnavalesques » qu’on peut découvrir sur son site et dont on donne ci-après un aperçu emblématique.

Prises de vues

Les prises de vues ont eu lieu sur la scène d’une salle polyvalente prêtée par la municipalité. Les modèles volontaires pour participer à ce projet sont tous des danseurs professionnels recrutés par Cristina Santucci qui dirige la compagnie Artopie (devenue depuis A Corpo). Deux femmes et deux hommes ont ainsi accepté d’incarner une vision fantastique du carnaval en adoptant individuellement puis collectivement des postures étranges, dérangeantes ou  grotesques, se référant au carnaval de Dunkerque ou s’inspirant du travail d’Agnès Dubart. De fait, les « modèles », tou-te-s inspiré-e-s par le thème, ont multiplié des improvisations novatrices pleines de folie et de fureur, toutes attitudes corporelles dynamiques que permettent leurs exceptionnelles qualités physiques et leur sens du placement dans l’espace. Sur le plan photographique, le potentiel graphique de ce projet est évident. Quasiment toutes les photos sont intéressantes, qu’il s’agisse de prises de vues individuelles ou de groupe avec deux, trois ou quatre partenaires. Pour l’installation à Athena Forum, on a retenu des portraits individuels tout en hauteur pour se conformer aux contraintes de taille des panneaux. Leur post traitement relève de la catégorie des photo-collages : les danseurs, saisis au sommet de leur bond, semblent ainsi surgir de nuages enténébrés – nuages « récoltés » à la tombée du jour à Berck-Plage par grande marée, transformés par rotation, désaturés puis dédoublés par symétrie.

L’installation et l’accueil

La SPUL a confié le tirage des bâches photographiques à une jeune entreprise de Villeneuve d’Ascq, ravie de tromper son ordinaire fait de tâches publicitaires répétitives, par une création graphique singulière. Le résultat a dépassé toutes les attentes. La pose in situ a été réalisée par les services municipaux qui ont mobilisés de gros moyens techniques et humains pour réussir à fixer solidement et proprement les œuvres dans les alcôves. L’installation a trouvé son public. Elle convient à une population très large, de tous âges, de tous sexes, de toutes conditions, de toutes confessions. Il nous est arrivé d’être abordé par des passants inconnus nous confiant leur enthousiasme, soit parce que cette exposition venait briser la grisaille urbaine ordinaire, soit – sans incompatibilité – parce que le dynamisme et la jeunesse des corps dansant laissaient rêveurs et faisaient rêver. Le carnaval séduit toujours le Nord et son peuple qui, selon Albert Samain, doit fermer les paupières pour y voir des jardins. A noter que la Danse carnavalesque a également été exposée en parallèle dans l’univers bucolique offert par l’ancienne galerie des marais au bas de Montreuil sur Mer. Trois panneaux ont été suspendus sur des câbles haubans tendus entre des peupliers. Le résultat est une invitation à danser sur l’herbe.

Auteur : Bernard Dupont, publié le 19 juin 2021 sur le site invisu.photo